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Chroniques d'un Gaulois anonyme
Chroniques d'un Gaulois anonyme
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30 juin 2016

Ins't it, Monsieur Cameron?

Triste moment pour l’Europe. L’impact du Brexit risque d’affecter gravement les économies européennes et pas seulement celle du Royaume-Uni.

Pensons à cette brèche ouverte et aux incertitudes qu’elle entraine pour nos économies interconnectées. Songeons à tous ceux qui ont construit leurs projets économiques, professionnels ou familiaux en se croyant à l’abri au sein de l’Union européenne et des possibilités qu’elle offre : fonctionnaires européens britanniques, entrepreneurs transfrontaliers, familles expatriées qui ne doivent plus dormir la nuit à présent. Je sais que pour les nationalistes, il ne s’agit là que de vies humaines pouvant être sacrifiées sur le grand autel de la nation. Alors que ce sont des drames humains qui se jouent.

Insécurité juridique et économique vertigineuses. Imaginons l’énergie que va coûter à tout le monde (et pas seulement aux Britanniques) la renégociation d’accords administratifs, commerciaux, fiscaux et sociaux. Chaque domaine devra être ré-envisagé. Des armés de diplomates et de fonctionnaires vont être affectés à cette tâche dérisoire, plutôt que de s'occuper des vrais problèmes.

A cela s’ajoute le risque de contagion, que les conservateurs allemands ont tort de minimiser. Il est clair qu’il convient d’acter au plus vite le retrait. A moins de faire l’offense au peuple britannique de penser qu’ils n’ont pas pris la décision en connaissance de cause (quoique...), on ne peut croire que les conséquences de leur choix ne sont peut-être pas si définitives. Encore moins peut-on leur demander de revoter.

Au-delà du fait de prendre acte de ce retrait, il convient d’entamer une réflexion en profondeur sur l’avenir de l’Europe. Et donc sur son histoire.

Si nous en sommes arrivés là et que l’Union Européenne se retrouve confisquée à intervalles réguliers par la rengaine populisto-souveraino-nationaliste (qui gagne même certains esprits intelligents), c’est en partie parce qu’elle reste une inconnue pour nombre de nos concitoyens. Elle n’occupe souvent l’attention médiatique que l’espace réduit d’une campagne électorale. Les anti-européens ont alors la vie facile tant il est plus aisé de diaboliser que de faire comprendre la complexité de l’institution. De détruire que de construire.

De ce point de vue, nous aurons bientôt l’occasion de voir la vacuité du programme des anti-européens, qui n’ont d’autre projet pour l’Europe que de revenir au statu quo ante de la construction européenne. Comme si la Seconde Guerre Mondiale n’avait pas eu lieu. Comme si les puissances européennes ne s’étaient pas retrouvées dépouillées de leur souveraineté à son lendemain. Comme si le Royaume-Uni était encore l’Empire sur lequel le soleil ne se couche jamais. A Yalta, il y avait entre Américains et Russes - il est vrai - les Britanniques. Il y a de cette surestimation de soi, illusion du passé, dans le vote anglais.

On y trouve aussi une défiance à l’idée de transferts de souveraineté, qui nourrit tous les phantasmes. Cohn-Bendit faisait valoir récemment que face à la Chine ou aux Etats-Unis, la souveraineté de la France ou de l’Allemagne ne peut exister que dans la souveraineté européenne. Sur les questions environnementales, d’immigration ou de régulation économique, quel Etat européen peut seul faire le poids au niveau international ? Face à des enjeux globaux, il faut des structures capables d’apporter des réponses globales.

Par ailleurs, il suffit de savoir que des transferts de souveraineté sont opérés depuis le début des communautés européennes, il y a 70 ans, pour se rendre compte à quel point cette problématique est instrumentalisée par les Europhobes.

Au demeurant, il ne manque pas de piquant de remarquer que c’était déjà sur ce terrain que les pays fondateurs des Communautés européennes (Allemagne, Benelux, France et Italie) divergeaient avec le Royaume-Uni, au moment de leur création dans les années 45- 50. Celles-ci ont été créées suite à l’opposition des Anglais de faire du Conseil de l’Europe, à Strasbourg, une organisation d’intégration économique. Le Conseil de l’Europe, depuis lors, ne s’occupe que de coopération intergouvernementale en matière de droits de l’homme.

Non-content d’avoir échoué à tuer dans l’œuf le projet d’intégration économique, le Royaume-Uni a alors mis en place un structure concurrente, l'A.E:L.E.. Devant son succès mitigé, le Royaume-Uni a fait des pieds et des mains pour adhérer aux Communautés européennes, se heurtant au refus catégorique de De Gaulle. Celui-ci mort, le Royaume-Uni dedans n’aura de cesse de revendiquer des régimes dérogatoires au sein de l’Union Européenne (Euro, Shengen, « rabais britannique », etc.). A tel point que d’aucuns ont pu voir dans le Royaume-Uni le cheval de Troie des Américains. Etat-Membre pour mieux saboter la construction européenne. Fruit de ce double-jeu permanent, cette décision de se retirer maintenant avec pertes et fracas, aux motifs que…les Anglais ne souhaitent qu’un accès au marché commun sans transferts de souveraineté. Retour à la case départ. Consternant.

On aurait tort cependant d’attribuer le désamour britannique pour l’Union européenne uniquement à leur ignorance de l’histoire. Il faut convenir que l’Union européenne a également sa part de responsabilité dans ce ressenti, partagé par beaucoup d’Européens. L’Union a échoué à se faire comprendre, ainsi qu’à protéger les classes populaires. Nous payons ici le prix des politiques ultra-libérales et conservatrices de ces dernières décennies.

Aussi, il est urgent de réconcilier les Européens avec l’Europe. Pour ce faire, il faudrait ouvrir des Etats-généraux de l’Europe, large consultation populaire, sur les attentes des Européens. Des cahiers de doléances en quelque sorte, qui permettraient d’exprimer les frustrations, mais aussi les envies, les initiatives. Cela permettrait également d’éclaircir ce qui existe déjà auprès des citoyens.

Pour éviter que le débat ne soit un nouvel exercice de diabolisation (d’un bord comme de l’autre), il serait opportun que cette consultation adopte une temporalité longue, différente de celle des campagnes électorales. Pourquoi pas deux ans. Naturellement, nos amis britanniques seraient conviés à y participer.

Il faudrait ensuite convoquer une conférence intergouvernementale permettant de synthétiser ces travaux et de proposer un nouveau projet de traité européen, qui serait soumis à référendum dans tous les Etats membres, simultanément. De la sorte, le peuple européen serait amené à s’exprimer dans son ensemble.

Ce référendum présenterait une force symbolique, qui placerait son résultat – espérons-le – à l’abri des contingences politiques nationales, des calculs politicien à courte vue.

Isn’t it, Monsieur Cameron ?

 

Gaïus Anonymus

 

 

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